Depuis quelques années, les cigarettiers tentent de conquérir le marché de la e cigarette en proposant leurs propres dispositifs. Le tabac à chauffer est présenté par ces industriels comme étant beaucoup moins nocif que les cigarettes traditionnelles. Qu’en pensent les professionnels de santé ? Peut-on comparer ces produits aux e liquides pour cigarette électronique ?
La « Ploom » est le 1er dispositif de tabac à chauffer qui est apparu en France. Commercialisé en 2014 par Japan Tobacco International, il s’agit d’un appareil en forme de stylo chauffant des capsules de tabac à usage unique. Il a été rapidement suivi par d’autres dispositifs tels que la Glo de British American Tobacco ou l’IQOS de Philip Morris (propriétaire de Marlboro).
Dans un contexte de baisse des ventes de cigarettes traditionnelles (1 million de fumeurs en moins par rapport à 2017), les industriels du tabac sont ainsi contraints de proposer une offre plus séduisante, comme l’illustre cette vidéo du média d’information « Brut ».
Des émanations de substances toxiques liées à une combustion
Pendant bien longtemps, les lobbies du tabac ont caché les effets de la cigarette. Nous savons maintenant que la combustion du tabac génère des substances très toxiques (monoxyde de carbone, goudrons, hydrocarbures polycycliques…) inhalées par les fumeurs. Pour rassurer leurs clients, les industriels du tabac affirment que les produits de tabac chauffé n’engendrent pas de combustion. D'après leurs études réalisées en interne, la vapeur créée par ce dispositif serait comparable à celle des cigarettes électroniques.
Selon le Pr Dautzenberg, Président de l'Office Français du Tabagisme (OFT), ces produits restent dangereux pour la santé, en particulier parce que le tabac chauffé génère des nitrosamines cancérogènes. Des chercheurs de l'Université de Lausanne ont par ailleurs trouvé des taux de substances toxiques dans l’aérosol de l'IQOS supérieurs à ceux annoncés par le groupe Philip Morris : l'équivalent de 82 % de l'acroléine (substance toxique et irritante) d'une cigarette normale, de 74 % du formaldéhyde et 50 % du benzaldéhyde. Ils ont ainsi constaté un phénomène de pyrolyse et une combustion incomplète entraînant la formation de composés chimiques toxiques.
Ce dispositif n'est donc absolument pas recommandé pour toute personne qui aimerait arrêter de fumer.
Rappelons qu’à l’inverse du tabac à chauffer, le vapotage n’expose ni au goudron (cause de cancers) ni au monoxyde de carbone (cause d’infarctus) générés par la combustion du tabac. Un rapport du ministère de la santé Britannique publié en août 2015 a déclaré que le vapotage est au moins 95 % moins nocif que les cigarettes de tabac.
La création d’une véritable dépendance au tabac
Selon le professeur Anh-Tuan DINH XUAN, de l'hôpital Cochin à Paris, les dispositifs de tabac chauffé seraient bien plus addictifs que les cigarettes traditionnelles : la nicotine inhalée via ces appareils atteindrait le système nerveux central plus rapidement que celle contenue dans la fumée des cigarettes, ce qui aurait pour effet d’augmenter le niveau de dépendance.
Les professionnels de santé craignent que la publicité des industriels amène des fumeurs à remplacer leurs cigarettes classiques par du tabac chauffé, malgré l’absence de bénéfice réel pour leur santé. "Nous déconseillons fortement son usage, et nous appelons les pouvoirs publics à communiquer largement sur ses dangers", énonce le Pr Anh-Tuan DINH XUAN.
Un avis partagé par le pneumologue Bertrand Dautzenberg : "comme les cigarettes classiques et contrairement aux patchs ou à l'e-cigarette, le tabac à chauffer se fume en cinq minutes, produisant un pic de nicotine dans le sang. C'est ce 'shoot' qui est responsable de l'addiction. L’industrie du tabac cherche ni plus ni moins à entretenir ou créer la dépendance".
A l’inverse, il est utile de rappeler qu’en 2014, 400 000 Français ont cessé de fumer grâce à la cigarette électronique. Et d’après une étude publiée par Santé Publique France en 2017, 82 % des vapoteurs ont fortement réduit leur consommation de tabac. En Grande-Bretagne, les députés sont convaincus par les bénéfices de la cigarette électronique : dans leur rapport publié en août 2018, ils ont fait part de leur désir d’assouplir la législation concernant le vapotage, de manière à pouvoir promouvoir l’usage de la cigarette électronique comme outil de sevrage tabagique officiel.