L'histoire de la cigarette électronique remonte à plusieurs décennies, avec des débuts modestes, des prototypes précurseurs et des obstacles à sa diffusion. Ce n’est qu’à partir des années 2000 que la cigarette électronique moderne a commencé à prendre forme et à évoluer rapidement. Dans cet article, nous explorerons en détail ses origines ainsi que son parcours à travers les différentes époques et les avancées technologiques qui ont façonné son développement.
Aux origines de la vapoteuse : la culture du tabac et la production de cigarettes traditionnelles
La culture du tabac remonte à 600 avant J-C. Il était à l'origine utilisé par les Amérindiens comme plante sacrée dans leurs cérémonies religieuses. Christophe Colomb a ramené le tabac en Europe et fumer la pipe est devenu un passe-temps populaire de la classe supérieure.
Au XVIIe siècle, le tabac était devenu une partie importante de la culture européenne et américaine. Le tabac était utilisé comme tabac à priser, dans des pipes, et roulé à la main dans des cigares et des cigarettes.
Lorsqu'une machine à rouler le tabac automatique a été inventée en 1881 (machine Bonsack), cela a provoqué une augmentation spectaculaire de la production de cigarettes, et la popularité de ces dernières s'est répandue.
Bien qu'il ait fallu attendre des décennies pour qu’on se rende compte que le tabagisme était lié au cancer et aux maladies cardiaques, on s'est vite aperçu que fumer des cigarettes irritait le système respiratoire. Des inventeurs ont alors eu pour objectif de créer une imitation de cigarette qui donne à l'utilisateur un plaisir similaire à celui d'une cigarette ordinaire sans les irritations et les risques pour la santé.
Des débuts modestes : prototypes et obstacles à la commercialisation (1920-1990) :
L'histoire de la cigarette électronique remonte bien plus loin que ce que la plupart des gens pensent. En 1927, Joseph Robinson a déposé un brevet pour un vaporisateur électronique destiné à être utilisé avec des composés médicinaux. Cependant, cet appareil n'a jamais été commercialisé, marquant le début d'une longue série d'innovations technologiques et d'obstacles dans le développement des e-cigarettes.
En 1963, Herbert A. Gilbert, fumeur de deux paquets par jour, a déposé un brevet pour une "cigarette sans fumée sans tabac ".
Son idée ressemblait à une cigarette traditionnelle où l'air chaud et humide aromatisé pouvait être aspiré dans la bouche ou les poumons. Une cartouche contiendrait une solution chimique inoffensive utilisée pour aromatiser. Les solutions suggérées comprenaient de l'eau mentholée et une solution pour simuler le whisky écossais. Un tube à vide isolé ou une ampoule alimentée par une batterie devaient fournir l'élément chauffant qui chaufferait le liquide.
Il a déclaré que le but de son invention était de fournir un moyen et une méthode de fumer sûrs et inoffensifs en remplaçant le tabac et le papier en combustion par de l'air chaud, humide et aromatisé, ou en inhalant un médicament chaud dans les poumons en cas d'affection respiratoire sous la direction d'un médecin. Gilbert n'a jamais été en mesure de commercialiser son produit avec succès.
La suite de l’histoire est surprenante. À partir de 1979, le docteur Jacobson avait un patient nommé Phil Ray. C’était un gros fumeur et surtout un homme de génie et un pionnier de l’informatique. Il a participé à la création des microprocesseurs que l’on connait aujourd’hui, à travers son entreprise Datapoint Corporation.
Il se sentait très dépendant à la nicotine et il s’est alors demandé s’il n’était pas possible d’inhaler seulement de la nicotine pure au lieu de fumer des cigarettes qu’il savait mauvaises pour sa santé. Il en parla alors avec son médecin et ami le docteur Jacobson.
Phil Ray avait conçu un dispositif tout simple, constitué de papier imbibé de nicotine pure et roulé dans un cylindre plastique. Cela ressemblait à une cigarette, mais ce n’était pas un appareil électronique, il n’y avait pas de tabac ni de combustion. Il suffisait d’aspirer, la nicotine se vaporisait alors et était inhalée par l’utilisateur. Le médecin Jacobson réalisa des tests et en conclu que l’absorption de nicotine était fiable, reproductible, et calmait l’envie pressante d’allumer une cigarette.
Les 2 hommes ont réussi à commercialiser ce dispositif, et il a commencé à être assez largement distribué. Malheureusement, la nicotine imbibée sur un papier est très volatile, et se désagrège trop rapidement dans le temps. Le dispositif avait une durée de vie beaucoup trop courte pour que sa commercialisation soit un succès.
Mais ces 2 hommes ingénieux avaient inventé un concept nouveau : l’absorption de nicotine pure, et ils ont au passage été les premiers à ajouter au language les mots « vape » et « vaping ».
En 1986, Advanced Tobacco Products a introduit la cigarette Favor, un produit non combustible qui a été présenté comme une alternative contenant de la nicotine aux produits du tabac traditionnels.
Conçue par Phil Ray et Norman Jacobson, la Favor était une cigarette en plastique sans fumée qui contenait un papier filtre imbibé de nicotine liquide. Cependant, après que la FDA ait exercé sa juridiction sur les produits similaires aux cigarettes électroniques en 1987, la distribution de Favor a cessé.
L'arrivée des cigarettes électroniques modernes (2000 à aujourd'hui) :
Malgré ces efforts précédents, c'est à partir des années 2000 que la cigarette électronique moderne a commencé à prendre forme.
Les premières versions de la cigarette électronique actuelle ont été introduites en Chine lorsque Hon Lik, un pharmacien chinois travaillant dans la recherche médicale, a créé un appareil qu'il a appelé "cigarette électronique à atomisation sans flamme". Le père de Hon était un gros fumeur décédé d'un cancer du poumon, ce qui a incité Hon à essayer d'arrêter sa propre dépendance à la nicotine. Il avait utilisé le patch à la nicotine sans succès et il expérimentait également la médecine chinoise.
Une rumeur veut que l'idée lui soit venue dans un rêve bizarre influencé par le patch à la nicotine qu'il avait oublié d'enlever avant de se coucher. Il est allé se coucher en toussant et avec une respiration sifflante, et a rêvé qu'il se noyait dans une mer lorsque les eaux autour de lui se sont transformées en brouillard et l'ont soulevé pour qu'il puisse respirer.
Son premier essai sur un appareil sans fumée ne ressemblait pas à la cigarette électronique que l’on trouve aujourd'hui sur le marché. Au lieu d'un atomiseur, il a utilisé un élément piézoélectrique à ultrasons qui a rendu l'appareil plus gros et plus volumineux que les cigarettes électroniques actuelles. Mais les molécules de la vapeur étaient trop grosses pour délivrer efficacement la solution. Il a alors affiné ses idées et fait breveter son invention en Chine en 2003.
La commercialisation de la cigarette électronique en Chine a démarré en 2004 et a été un grand succès, d’autant que plus de 40% de la population chinoise fumait.
La société pour laquelle Hon travaillait, Golden Dragon Holdings, a changé son nom en Ruyan qui signifie "comme de la fumée" en chinois.
Ils ont reçu leur brevet international en 2007 lorsque les e-cigarettes ont été introduites aux États-Unis et en Europe.
Ainsi, ce qui a commencé comme un dispositif de sevrage révolutionnaire est devenu un produit récréatif entouré de controverses.
Depuis lors, l'industrie de la cigarette électronique a connu une évolution rapide. De nouveaux dispositifs et technologies ont été développés, tels que le cartomiseur introduit en 2007 et les cigarettes électroniques personnalisables (mods) qui ont émergé en 2008. Les grandes entreprises de tabac ont également pris note de l'essor de la cigarette électronique et ont commencé à investir dans cette technologie.
L'innovation a également touché les e-liquides, qui ont évolué pour offrir une plus grande variété de saveurs et d'options aux vapoteurs.
2009 a été une année charnière pour l’histoire de la cigarette électronique.
Un nouveau brevet a été déposé par David Yunqiang Xiu, directeur de la société anglaise Superdragon UK. Le brevet repose sur une nouvelle technologie de cigarette électronique, basé sur une résistance chauffante pour vaporiser le eliquide, et non plus sur les ultrasons comme précédemment. Ce nouveau système baptisé 'Electronic Nicotine Delivery System' (ENDS) permet de fabriquer des cigarettes électroniques à coût plus modeste (la technologie par ultrasons étant plus onéreuse à fabriquer). C’est ce brevet qui a permis l’explosion du marché de la cigarette électronique en France et dans le monde.
Mais qui est David Yunqiang Xiu ?
Le Dr David Yunqiang Xiu est membre de la Royal Society of Medicine de Londre (FRSM), il est généraliste en médecine clinique et spécialiste en cardiologie.
Depuis 2009, il a remporté 6 prix d'or internationaux : prix d'or au 39e Salon international de l'invention à Genève en 2011 ; Médaille d'or au INPEX USA Invention Show 2011 ; double médailles d'or du British International Invention and Design pour l'année 2011 à Londres ; médaille d'or du salon international de l'invention et des nouveaux produits iENA de Nuremberg Allemagne 2011 et médaille d'or au 4e salon international de l'invention au Moyen-Orient 2011 pour les brevets de cigarettes électroniques.
Il travaille encore aujourd’hui activement pour l’obtention de licence de dispositifs médicaux pour des systèmes électroniques de délivrance de nicotine (Electronic Nicotine Delivery Device ou ENDD).
En 2010, la cigarette electronique s’est installée sur le marché Européen et notamment en France.
La mise en place d’une réglementation européenne de la cigarette électronique
Fin 2012, la Commission européenne a publié sa proposition de révision de la directive sur les produits du tabac (2014/40/EU), aussi appelée TPD (Tobacco Products Directive).
En mai 2014, la révision de la TPD a été adoptée par la commission européenne. Elle inclut désormais une partie sur les produits du vapotage.
Il s’agit du premier document réglementaire concernant la cigarette électronique. Quelques mesures présentes dans ce document peuvent être citées :
- toute publicité est interdite,
- des exigences de sécurité doivent être encadrées sur les produits du vapotage,
- la délivrance de nicotine doit être constante de la part des cigarettes électroniques,
- le taux maximal de nicotine dans un e-liquide est de 20 mg/ml,
- le volume maximal d’un flacon d’e-liquide est de 10 ml,
- les cigarettes électroniques ne doivent pas avoir un réservoir supérieur à 2 ml,
- tout nouveau produit doit être notifié 6 mois avant sa mise sur le marché.
Dès lors, les états membres de l’Union Européenne ont eu deux ans pour transposer ce texte dans leur droit national et le faire appliquer. L’ordonnance française n°2016-623 du 19 mai 2016 a complété ce document. Certains points sont à noter :
- interdiction de la publicité en dehors des boutiques spécialisées.
- affichage d'un avertissement obligatoire sur tout emballage : "La nicotine contenue dans ce produit crée une forte dépendance. Son utilisation par les non-fumeurs n’est pas recommandée".
- interdiction de vapoter dans les lieux fermés et les établissements scolaires ou accueillant des mineurs.
- reconnaissance de l'ANSES comme organisme collecteur des déclarations de mise sur le marché. La notification de mise sur le marché donne lieu à la perception par l'Anses de droits de 295 € par produit figurant dans toute notification ou modification substantielle de notification.
2016 a été l’année de la transposition de la directive TPD en droit français.
L’article L3513-5 (Code de la santé publique) énonce l’interdiction de la vente de produits du vapotage aux mineurs de moins de 18 ans.
L’impact positif du vapotage sur le tabagisme
La cigarette électronique a été créée avant tout comme moyen de lutte contre le tabagisme, une épidémie mondiale responsable de millions de décès chaque année. L'Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime qu'en 2019, le tabac a causé 8 millions de décès, dont 7 millions parmi les fumeurs ou anciens fumeurs et 1,2 million par exposition à la fumée de tabac passive. Face à ce fléau, de nombreux professionnels de santé ont estimé que la cigarette électronique était une alternative plus sûre au tabagisme traditionnel.
En France, où environ 33% des hommes et 25% des femmes âgés de 18 à 75 ans fumaient au début des années 2000, des diminutions significatives ont été observées depuis l'introduction de la cigarette électronique. Ces chiffres sont passés en dessous de 30% pour les hommes et à 24% pour les femmes en 2017. Ces baisses représentent environ 1 million de fumeurs en moins. De plus, environ 870 000 personnes en France considèrent avoir arrêté de fumer grâce à la cigarette électronique.
Des salons et des festivals dédiés à la cigarette électronique ont également émergé dans le monde entier pour rassembler la communauté des vapoteurs, les fabricants et les professionnels de l'industrie. Parmi ces événements, on peut citer le Vapotality en Italie, le China Shenzhen International Vape Expo en Chine, le Vapefair Indonesia en Asie du Sud, le Vape Expo Oceania Show en Australie, ainsi que le Hall of Vape en Allemagne.
En conclusion, la cigarette électronique a connu une évolution remarquable depuis ses débuts modestes au XXe siècle. Elle a contribué à réduire le nombre de fumeurs en se popularisant. Si des défis réglementaires et sanitaires sont bien présents, l'industrie de la cigarette électronique continue toujours d'innover et de se développer, offrant une alternative plus sûre au tabagisme conventionnel.